Catégories
Communauté de communes Environnement Patrimoine Un pavé dans le Bandiat !

Touche pas à mon bief !

Une enquête pour déclarer d’intérêt général le programme 2012-2018 de gestion du Bandiat, ouverte jusqu’au 12 décembre par le Syndicat intercommunal d’aménagement hydraulique, met le feu aux poudres chez des propriétaires de moulin.

A Chazelles, Alain Mitteau est remonté. Le brasseur du moulin de La Rainette écrit en son nom propre au Syndicat du Bandiat, mais sa lettre porte la voix de quelques propriétaires de moulins des environs, qui dénoncent le fond comme la forme de l’enquête.

Sur la forme, deux reproches : «Le premier est l’absence totale de concertation. On découvre incidemment un matin des affichettes A4 placardées sur le lit de la rivière… Bref, une information limitée à sa plus simple expression légale. Alors que nous sommes à tout casser douze propriétaires sur Bandiat aval [la partie charentaise de la rivière, celle gérée par le Syndicat du Bandiat, NDLR], il aurait été facile de faire autrement… » estime Alain Mitteau.

Pour lui, cette discrétion autour de l’enquête publique s’explique : « Nous avons là une enquête qui vise à faire passer l’intérêt général sur toute une série d’actions, dont seulement deux sont détaillées : la mise en place de clôtures et d’abreuvoirs pour en finir avec les vaches défonçant les berges en allant boire et la gestion concertée des vannages. Deux actions éminemment consensuelles ! » relève Alain Mitteau, persuadé qu’on cherche là à noyer le poisson.

« Quelle urgence à 3 mois des municipales ? »

Car en grattant le fond dans les 144 pages de l’enquête publique, le brasseur a bondi en lisant que le dérasement d’ouvrages (leur abaissement par destruction partielle) sur le lit de la rivière apparaissait comme une solution répondant à l’enjeu de continuité écologique et de libre circulation piscicole. « S’agissant de Bandiat aval, si on supprime les biefs, le problème de la circulation piscicole serait immédiatement réglé faute de poissons ! » ironise celui qui chaque année sauve dans son bief des centaines de poissons des assecs.

« Le dérasement d’ouvrages est un dogme franco-français mis en place il y a 3-4 ans par quelques ayatollahs du ministère de l’Ecologie, qui considèrent que le vannage ne suffit plus ! » s’étrangle-t-il. Dénonçant ce qu’il juge comme une façon d’avancer masqué, hostile à l’application aveugle de principes de gestion décidés nationalement, le brasseur chazellois préfère marquer le coup.

« Le fonctionnaire du syndicat a clairement évoqué devant le commissaire-enquêteur et un propriétaire de moulin le dérasement du déversoir du moulin du Grand Picard » s’émeut-il. « Quelle urgence y a-t-il à faire passer cet intérêt général à seulement 3 mois des scrutins municipaux ? Quelle légitimité des élus aujourd’hui en place qui ne se représentent pas demain ? Quelle valeur accorder à leurs seules bonnes paroles ? ». Alain Mitteau demande donc dans sa lettre que le document préalable à l’enquête publique « énumère et détaille de façon précise toutes les interventions prévues sous couvert de la déclaration d’intérêt général, notamment ceux touchant aux ouvrages ».

« On ne va toucher à aucun ouvrage »

Xavier Chaygnaud-Dupuy, président du Syndicat du Bandiat, s’attendait à une fronde des moulins lors de l’enquête publique, mais plutôt sur la question de la gestion concertée des ouvrages. Sur le dérasement, il rassure immédiatement : « On ne va toucher à aucun bief ! ».

En réalité, la présentation éminemment technocratique du document d’enquête publique ne fait pas ressortir que l’option du dérasement a été écartée par les élus. « Nous leur avons soumis une vingtaine hypothèses de travail, dont deux qu’ils ont rejetées : le dérasement d’ouvrages et l’enrochement des berges » précise Emmanuel Rojo-Diaz, technicien rivière qui rappelle que le classement en intérêt général ne vise qu’à pérenniser les subsides reçus de l’agence de l’eau Adour-Garonne, qui pèsent pour 60% du budget du Syndicat.

« Ce genre d’enquête est un travail complet et lourd et peut comporter quelques erreurs et maladresses de forme » explique Xavier Chaygnaud-Dupuy. « Il est en outre logique de retrouver dans nos documents d’orientation des analyses qui vont dans le sens des politiques nationales qui nous financent » explique l’élu. Le budget ne prévoit de toutes façons que 2.550€ en 7 ans au chapitre de la gestion des ouvrages… « Pas de quoi financer un seul dérasement » souligne Emmanuel Rojo-Diaz. Alain Mitteau et ses amis ont leur réponse.

Par Niels Goumy

Journaliste et éditeur de presse, Chazellois depuis 2005.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *