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Cluster ukrainien à Chazelles

Trois mamans ukrainiennes, Anna, Iryna et Yevgeniya, sont arrivées mercredi soir à Chazelles avec leurs enfants Nestor (11 ans), Sofia (15 ans) et Mira (6 ans), suivies jeudi matin de leur compatriote Irina accompagnée de sa nièce Daria (21 ans).

Ambiance de vide-grenier sur fond de GoogleTranslate hier après-midi à la gare de Chazelles. Organisés via les réseaux sociaux, les dons de Chazellois se sont empilés et les réfugiés y puisent de quoi tenir les premiers temps, après 5 jours et 5 nuits sur les routes de l’exil, fuyant les bombes avec le strict minimum.

Anna, Yevgeniya et Marianne Daverio, hébergeuse de la seconde. Aucune guerre n’anéantira jamais l’intérêt féminin pour les « petites crèmes ». /-)

« Nous sommes restés 24 heures à 10 dans un compartiment de train de 4 places, 6 heures entassés entre deux barrières à la frontière polonaise, avons dormi à même le sol dans les gares, à l’aéroport, avec les enfants » raconte Yevgeniya, professeur d’anglais.

Elle arrive directement de Zaporojie, ville du centre de l’Ukraine défendue avec acharnement par l’Ukraine et que les Russes tentent d’encercler depuis le Nord et le Sud.

Au sud de Dnipro, Zaporojié est ce soir en première ligne en Ukraine. Verrou militaire important que l’agresseur russe cherche à faire tomber, il est encore farouchement tenu par l’Ukraine. Il est aussi un point stratégique qui permettrait aux Russes de « nasser » quelque 40.000 soldats ukrainiens encore tournés vers le front du Donbass, à l’Est.

Elle a avec elle sa fille Mira, 6 ans, sous le choc de l’exode et qui ne demande qu’à revoir son père laissé derrière. Ainsi qu’Anna et Iryna, membres de sa famille élargie, venues avec respectivement leurs petits Nestor (11 ans) et Sofia (15 ans). À part Anna, qui a passé 4 jours à la centrale nucléaire à l’orée de la ville, auprès de son mari qui y travaille, elles n’ont pas connu l’épreuve des bombes, ont pu vaguement se dessiner un point de chute charentais inconnu via leur réseau avant de se décider à partir, au prix d’un déchirement encore palpable.

Chaîne de solidarité locale

À l’appui de son récit, Anna fait défiler les photos dans son portable: queue de 300 personnes devant une boulangerie, véhicules civils bombardés, file ininterrompue de voitures en attente de l’ouverture d’un corridor humanitaire…

« Il y a une centrale nucléaire et de très nombreuses industries chimiques à Zaporojie. En l’absence de guerre, nous ne serions jamais parties. Malgré notre envie de rester, nous sommes aussi des mères n’ayant pas eu le choix que de mettre leurs enfants à l’abri… » analyse Anna, qui raconte comment une de ses amies proches et son fils de 3 ans se sont retrouvés coincés à Hostomel par les combats, avec seulement 1 repas par jour pendant 2 semaines.

Pendant que les familles étaient sur la route, les Chazellois ont mis le paquet pour l’accueil. Actuellement, 3 familles font office de foyer d’accueil, un 4e est en stand-by pour cause de Covid, d’autres prêtes à accueillir (lire encadré « D’autres arrivées à suivre »).

Arrivées jeudi matin en train car privées d’avion faute de passeport, Irina et sa nièce Daria arrivent aussi de Zaporojié, mais ne connaissent pas leurs compatriotes arrivées la veille. Elles peuvent enfin se poser et passer leur première nuit au bout de leur fuite.

Au-delà des hébergeurs, un élan de solidarité s’est déployé sur les dons (vêtements, cosmétiques, jouets, vélos, etc.). « Nous sommes toutes très reconnaissantes et très surprises par la générosité chazelloise, et nous espérons qu’un jour nous pourrons rendre la pareille. Nous voulons la paix en Ukraine, afin de pouvoir inviter les gens en retour, et leur faire profiter de nos bonnes choses » résume Yevgeniya, réfrénant un petit syndrome de l’imposteur.

Sur l’avenir, se projeter reste évidemment difficile : « Nous aimerions tous pouvoir nous dire que c’est plié dans un mois. Mais je crains que cela ne dure au moins un an, voire plus » reconnaît-elle à contrecœur.

D’autres arrivées à suivre

Et maintenant ? L’énergie débordante de Nathalie Caubet, rompue aux logistiques de l’urgence de par son métier d’ambulancière urgentiste et qui a coordonné de main de maître la prise en charge et la venue des réfugiées chazelloises, est certes marquée désormais par une fatigue certaine, mais devrait encore permettre le placement à l’abri de nouveaux réfugiés de guerre ukrainiens.

« A Chazelles, nous devrions recevoir encore une à deux mères avec leurs enfants. Des personnes originaires de Zaporojié, qu’on va placer ici car elles connaissent nos premières invitées, histoire de leur permettre de rester un peu en pack et contribuer ainsi à atténuer leur déracinement » explique la responsable associative, qui a déjà identifié une des deux familles prêtes à recevoir, et cherche encore à ce stade la seconde.

Au-delà, le collectif informel « Un toit pour l’Ukraine », co-fondé il y a une dizaine de jours par Nathalie Caubet, Cécile Williams et Fabienne Bourneix, ces deux dernières étant du staff pédagogique du lycée angoumoisin Marthe-de-Chavagnes, a d’ores et déjà récupéré de nouvelles demandes d’autres collectifs charentais similaires jetant l’éponge.

« Nous avons deux autres demandes : l’une pour une femme enceinte de 29 ans, et l’autre pour une mère avec enfant. Mais pour ces deux dossiers que nous lançons actuellement, ces personnes seront orientées vers des hébergements dans d’autres communes charentaises » précise Nathalie Caubet, qui prend ainsi en compte ici la capacité d’absorption chazelloise globale.

Par Niels Goumy

Journaliste et éditeur de presse, Chazellois depuis 2005.

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