Pendant 40 ans, il a nourri les drôles du Montbronnais en tant que chef et secouru leurs parents en tant que pompier: à l’occasion de son départ en retraite qu’il a fêté lundi soir, rencontre avec Hervé Brunet.

Né le 5 juillet 1964 à La Rochefoucauld, Hervé Brunet sera officiellement en retraite le 1er octobre. Ce vrai Charentais certifié depuis au moins 4 générations a débuté le 16 août 1985 et termine sa carrière responsable de 87.000 repas annuels, au service de 550 enfants chaque jour.
Interrogé sur sa vocation, le chef évoque d’abord spontanément sa jeunesse à la ferme parentale à Roussines, « la mère et la grand-mère qui cuisinaient à l’ancienne, les ragoûts, canards et pintades de la basse-cour qui mijotaient dans une marmite posée dans la cheminée, les jours où on tuait le cochon et où tout le monde avait sa tâche assignée ».
« Dans mes gènes d’aider les autres, c’est une évidence »
Hervé Brunet
Mais il revient vite à un aspect plus intérieur aussi, lié à une personnalité profondément altruiste: « Faire plaisir aux enfants a toujours été ma vocation. C’est à dire faire à manger aux enfants avant de faire à manger aux adultes. Leur faire découvrir de nouvelles saveurs et des choses qu’ils ne sont pas habitués à manger chez eux. S’ériger contre le postulat que cuisiner pour eux serait moins valorisant que pour les adultes ». Une philosophie métier qui ne l’aura pas quitté durant ces 4 décennies. « Le tout, c’est d’essayer de préparer des choses que les enfants mangent et apprécient », résume le chef pas peu fier du fait que tous ses « clients » raffolent de ses épinards!
Dans la vie civile, Hervé Brunet est plutôt taiseux: « Je ne parle pas beaucoup, je ne suis pas expansif ». Un opérationnel pur sachant maîtriser ses émotions, comme ce jour où il a dû arroser à la lance des collègues qui sortaient d’un brasier qui leur était tombé dessus lors d’un feu de forêt du côté de Manosque. Que ce soit dans le sud de la France ou en Charente-Maritime, ces renforts sur le front des incendies forestiers estivaux ont fortement marqué sa carrière.

Celui qui a joué au football jusqu’à ses 40 ans (dans son « équipe de coeur » à Roussines, à laquelle il reviendra après une petite infidélité avec Montbron) et qui fut arbitre bénévole du District pendant 4 ans, a désormais remisé la tenue de pompier, après 37 ans de service. Au final, au moment de se retirer, Hervé Brunet ne conserve qu’un seul mandat, celui de président de l’Amicale des agents et agents retraités de la commune. Une façon (altruiste là encore!) de boucler la boucle puisqu’il en fut le premier président à sa création dans les années 1980.
Connu comme le loup blanc à Montbron, on imagine aisément qu’Hervé Brunet ne va pas disparaître du paysage avec la retraite, d’autant plus qu’il aurait vaillamment bien continué encore 2 ou 3 ans! Mais ce « carrière longue » ayant commencé à travailler à 16 ans préfère accompagner son épouse qui vient elle aussi de prendre sa retraite.
Il compte sur ce nouveau départ pour passer plus de temps en famille : avec son épouse, ses 2 enfants et ses petites-filles Lilou et Emma. Au programme: pêcher à l’étang, récolter du miel, ramasser les pommes et en faire jus et cidre, emmener les chiens courir en bord de mer, aller aux champignons, jardiner, « et entretenir ce qu’on a à entretenir ».
Circuits courts

Sur l’approvisionnement, le chef Brunet privilégie depuis 15 ans les produits locaux. Une tendance nationale difficile au début à mettre en oeuvre faute d’une offre à l’époque suffisamment structurée (souvent incapable de fournir les volumes requis): « C’était compliqué au départ. Puis la loi Egalim est arrivée avec ses 20% de produits bio et 30% de produits locaux. Là du coup, on commence à y arriver ».
Porc et boeuf viennent ainsi de La Ferme des Monts Verts depuis qu’elle existe (« On ne peut pas faire plus près »), tandis que l’arrivée à Montbron du Cidil permettra non seulement de fournir les volumes suffisants en produits maraîchers (pas assez de place à Souffrignac), mais en plus de les passer en bio (conversion en cours). Toutes les pâtes sont bio, ainsi que le lait, acheté à la ferme à Teyjat (100 litres / semaine). « Dans l’ensemble, nos produits viennent de 80km au maximum ».
Du communal au communautaire…
Après avoir éclusé son service militaire (au 15e RT à Limoges) et débuté une carrière en restauration privée, Hervé Brunet entend parler du départ en retraite de la cuisinière scolaire de Montbron, et décide d’aller se présenter au sénateur-maire Pierre Lacour, également conseiller général : « Il me dit 2 choses: que c’est sur concours, et que si je suis embauché, il faudra que je m’engage en tant que sapeur-pompier volontaire ». Une tradition pour tous les agents communaux à l’époque, subtile règle non-écrite permettant à la Ville de conserver son centre de secours toujours menacé de disparaître en cas d’absence de troupes.
Foncièrement altruiste, homme de parole, Hervé Brunet se sentira lié toute sa vie par cet engagement. Il décroche son concours et est embauché. D’abord à la Ville, avant de suivre l’évolution institutionnelle, avec une première CdC, puis une seconde et enfin l’actuelle.
« Le passage en cuisine centrale se fait officiellement en 2009, et on regroupe alors Montbron et Feuillade, puis très vite Vouthon, Vilhonneur, Rouzède, Ecuras et même Saint-Sornin qui à l’époque a failli avoir sa cantine ». Un projet contre lequel le chef réussit finalement à plaider, dans une logique avant tout de valoriser et de conforter son équipe communautaire.
Au fil du temps, viendront s’agréger Marillac-le-Franc, Yvrac-et-Mallerand, Marthon, Grassac et Charras. Et dans les années 2010, la cuisine centrale reprend à l’association périscolaire Bandiat Passion la production des repas des centres de loisirs.
Perfectionniste et investi
Formé à la diététique et aux normes de la restauration collective, Hervé Brunet s’est toujours battu pour le service à table, montant au filet à chaque fois qu’il fût question de créer un self-service. « On ne peut pas se contenter de servir l’enfant sans savoir ce qu’il a mangé ou pas au final… En service à table, on sait ce qu’ils mangent, on est autour d’eux, on repère les enfants qui ne mangent pas et on voit ce qui est jeté. Ca permet aux agents de servir les enfants qui ne sont pas servis, de leur faire goûter… En les accompagnant, on repêche 95% des enfants qui initialement ne voulaient même pas goûter ».
« On apprend toujours, même après 40 ans »
Hervé Brunet
Depuis 2017, s’il déplore parfois la bureaucratisation latente lié à la montée en charge institutionnelle, Hervé Brunet estime que la cuisine communautaire en a encore sous la pédale, et pourrait encore élargir son périmètre à d’autres communes. Mais avec une limite: celle de rester en liaison directe, « préparé le matin pour être consommé le midi ». « Je ne crois pas au modèle de cuisine centrale qui préparerait à l’avance dans des barquettes filmées avant de réchauffer ».
Celui qui reconnaît qu’il est un manager exigeant voire autoritaire (« parce que je veux que les choses soient bien faites »), autant en cuisine qu’en caserne, est pourtant largement apprécié de ses troupes, qu’elles fassent la soupe ou qu’elles grimpent à l’échelle. Une alchimie fondée sur le triptyque compétence, proximité, générosité, caractérisant ce chef qui rendait service dès qu’il le pouvait.