La cinéaste Marie Garel-Weiss est décédée hier matin à 55 ans, à son domicile de Moëlan-sur-Mer (Finistère), où elle s’était retirée face à la mer pour affronter un cancer du cerveau. Elle avait été chazelloise de 2020 à 2023.

Adieu Marie! De ta simplicité, de ta douceur et de ta gentillesse, nous nous souviendrons à jamais. De ton regard bleu azur aussi, parfois habillé de tes anglaises blondes mi-court, et de ta bonne humeur, qui masquait très efficacement des années de failles et de luttes intérieures surmontées.
« Elle nous a quittés entourée des siens, elle est restée jusqu’au bout à la maison », livre rapidement son époux Ferdinand Berville, en pleine logistique post-mortem. On se met alors à espérer qu’en cet ultime instant, Marie l’avait enfin trouvée, sa maison, elle qui cherchait ardemment depuis tant d’années, « compulsivement » comme elle le décrivait elle-même, la maison parfaite.
Chazelloise durant 3 ans
En 2020, Marie Garel-Weiss avait tourné à Chazelles son téléfilm pour Arte « Qu’est-ce qu’on va faire de Jacques? », qu’elle avait vécu à titre personnel comme un vrai film (pas simplement un téléfilm), tourné dans une vallée du Bandiat « aux paysages et lumières si particulières » selon elle.
En 2023, la cinéaste avait franchi un seuil dans la notoriété en tournant « Sur la branche », son 3e film à la distribution charpentée intégrant Benoît Poolvoerde, Agnès Jaoui, Raphaël Quenard et la jeune Daphné Patakia, tourné en partie en Bretagne et qu’elle avait notamment présenté en avant-première à Angoulême.
Chazelloise de juillet 2020 à juillet 2023, Marie Garel-Weiss s’était d’emblée insérée à Chazelles, tout en conservant une personnalité un peu sauvage, perception susceptible d’être accentuée par des absences fréquentes pour cause de nomadisme professionnel accru, ses tournages l’emmenant souvent loin de la Charente.
Ayant fui Paris via un sas de décompression à Nantes, elle appréciait la campagne chazelloise, qui lui permettait de « marcher tranquillement, d’écouter de la musique et d’écrire dans le silence », avant de s’enfuir à nouveau, vers le Finistère cette fois, pour cause d’incompatibilité d’humeur avec sa maison de Chez Bâtisse.
Réalisatrice archi-spontanée et intimiste
Avec l’âge, la cinéaste avait réussi à percer dans le 7e art en tant que réalisatrice. Malgré la douceur de sa personnalité, malgré sa difficulté à vouloir en imposer aux autres: « Les tournages, je trouve ça compliqué: il faut arriver en chef, il faut diriger, il faut savoir. Ce rapport à la chef implique qu’il faut forcément savoir, alors que moi, je doute énormément » nous confiait-elle en juin 2023.
A travers sa filmographie, d’emblée, Marie Garel-Weiss est apparue comme de la trempe des artistes à fleur-de-peau, qui donne tout et surtout d’elle-même, avec comme genre de « défaut » une archi-spontanéité susceptible de basculer à tout moment sur une sorte d’extimité. Ces films donnaient ainsi à voir sans fard son propre parcours et son propre questionnement existentiel. Sans rien cacher au spectateur et au milieu, et notamment pas ses jeunes mais longues années de toxicomanie aux opiacés.
« Comme mes personnages, j’ai eu pas mal de problèmes dans ma vie perso. J’ai dû lutter pour arriver à bosser comme les autres, et le hasard, la chance, sans doute aussi une forme d’opiniâtreté, ont fait que j’ai commencé à écrire pour les autres puis à faire un premier film, grâce à une productrice qui m’a fait confiance », résumait ainsi celle qui reconnaissait « dépenser beaucoup d’énergie » dans l’entregent social.
Mythe familial prédestinateur
Issue d’une famille pleine de « ratés magnifiques », comme elle les appelait, de « gens doués mais qui n’y arrivaient pas dans la vie », Marie Garel-Weiss était probablement prédestinée au cinéma, ou à tout le moins à l’expression artistique. « Quand j’étais petite, ma grand-mère me disait que je ferai du cinéma. C’était une sorte de prophétie familiale. D’autant plus que j’avais un grand-oncle, Marcel Weiss, qui a été un grand chef-opérateur, notamment pour Max Ophüls, et qui planait comme une légende ».
La cinéaste revendiquait une inspiration « très éclectique », refusant de s’enfermer dans un style et se disant prête à tourner à l’avenir « sur un spectre allant de la comédie au film d’horreur ». Mais par ailleurs, celle qui a toujours insisté pour que les gens ne confondent pas écriture scénaristique et écriture littéraire confiait sans ambages son admiration pour la littérature perçue comme un « art supérieur » : « Pour moi, l’écriture, c’est la vraie noblesse, c’est un art qui m’attire fort, même si je doute en être capable. Mais ce qui me fait vraiment planer c’est la littérature ».
Marie Garel-Weiss laisse derrière elle son époux Ferdinand Berville, et ses trois filles Lou (35 ans), Clémence (30 ans) et Iris (10 ans). Une cérémonie en son hommage sera organisée à Paris.